- By Ghassen Chehaider
- In Nabeul
Mon baptême de plongée, à la découverte d’un univers parallèle
J’ai « survécu » à mon baptême de plongée. N’y voyez pas une exagération dramatique, mais plutôt toute la mesure du bouleversement qu’a été pour moi cette initiation, offerte par l’association Tunisia randonnée qui m’a invité à découvrir cette activité proposée par le Club Ras Adar.
Car le concept même de la plongée sous-marine est rigoureusement contre-indiqué vu mon état de santé (opération à cœur ouvert) : je dois éviter toute sorte de pression atmosphérique et de l’eau. Mais étant donné que ça fait partie de ma liste de rêves j’ai décidé de courir le risque et mettre tout en jeu.
Si j’ai risqué la crise d’angoisse le temps d’un trajet en bus, imaginez un peu l’engouement que je pouvais avoir à l’idée de m’immerger sous plusieurs mètres d’eau, engoncé dans une combinaison à mi-chemin entre le ridicule du pingouin et l’inconfort de la grenouille. 😀
Avant de partir en mer, on s’équipe. Laissez-moi vous dire que vous n’avez pas connu la contrariété tant que vous n’avez pas essayé d’enfiler une combinaison. Dès le début, je flaire l’arnaque : on me flanque une bouteille imposante censée me permettre de survivre sous la surface, sauf que le paquetage pèse environ une tonne. Sûr que si je me jette à l’eau avec tout ce poids sur le dos, je coule à pic !
On m’explique que la bonbonne contient de l’air, et qu’entre la combinaison, la réserve d’air et le gilet gonflable (stabilisateur), le problème n’est pas de couler mais de ne pas flotter à la surface. C’est d’ailleurs pour régler ce problème qu’on me refile également une ceinture de plomb. Tout va bien.
N’écoutant que mon courage, ou plutôt la folie, espiègle conseillère jamais à court d’audace, je me suis jetée à l’eau, au propre comme au figuré. Et hop plongé dans l’eau.
Où est mon centre de gravité ? Je n’en ai plus. Je n’ai plus d’équilibre. C’est une sensation d’apesanteur écrasante, et c’est tout à fait paradoxal. Le bleu et le silence assourdissant de cet univers renforcent la dimension lunaire de l’exploration sous-marine, ponctuée de ces respirations robotiques.
N’utilisez pas vos bras, ça ne sert à rien pour avancer. N’utilisez pas vos genoux, vos mouvements ne sont pas efficaces et vous vous fatiguez. Respirez par la bouche. Bref, arrêtez de vous comporter comme un bipède terrien.
Je le redoutais comme étant potentiellement la pire difficulté, mais respirer grâce à la bouteille est finalement ce qu’il y a de plus facile. Au moins, ça, ça ne change pas : on respire normalement. Pas besoin de coordonner inspiration par la bouche/expiration par le nez comme je me l’étais imaginé : ça ne fonctionne pas comme ça ! L’air contenu dans la bouteille est distribué par un dispositif qui laisse passer l’inspiration et rejette notre expiration dans l’eau : le détendeur. C’est magique : on respire normalement, mais uniquement par la bouche.
La vraie difficulté consiste à prendre de profondes inspirations, de longues expirations, pour ne pas s’épuiser par une respiration trop rapide, nerveuse, saccadée.
Dans l’eau, le son se déplace cinq fois plus vite que dans l’air : ton cerveau n’a pas le temps de te dire si c’est l’oreille droite ou la gauche qui a entendu un bruit en premier. Impossible de savoir d’où vient un son autour de soi !
Je n’ai pas entendu autre chose que le bruit oppressant et rassurant à la fois de ma propre respiration. Oppressant par sa tonalité très mécanique, caractéristique de ces appareils de respiration artificielle. Mais rassurant par sa régularité apaisante : ce bruit, c’était ma ligne de vie, comme un électro-cardiogramme. Inspire. Expire. À l’infini.
Porter un masque de plongée, on ne voit qu’à travers la vitre, soit une fenêtre extrêmement réduite. Je ne voyais que devant moi, et c’était extrêmement perturbant. Le moniteur m’a tenu par le dos pendant la quasi-totalité de notre immersion.
Nous passons au-dessus d’une épave d’un cargo cimentier de 40 m, présumé italien, qui a fait naufrage pour raison de mauvais temps au début des années 60, il repose par 6 m de fond.
À peine immergé, j’ai perdu toute notion du temps. J’ai cru plonger des heures, sans voir le temps passer. Le baptême a duré une quinzaine de minutes, mais cette unité de mesure me semble incohérente, inadaptée pour décrire la véritable durée de l’expérience.
En plongée, le temps, c’est de l’air disponible, et c’est sans doute l’unité de mesure qui convient le mieux pour quantifier ce baptême de plongée : c’était une expérience à couper le souffle.
Je ne vais pas vous mentir : mon coeur est montagnard. Je ne suis jamais aussi à l’aise qu’à plusieurs milliers de mètres d’altitude. L’humilité, le respect et l’admiration que je ressens pour la montagne, je les ai ressentis pour les fonds marins.
Aux extrémités du monde, où les sommets caressent les cieux, où les fonds marins flirtent avec les abysses, des paradis hostiles narguent les hommes et tentent les audacieux. Ils m’ont offert mes plus belles découvertes, de celles qui se méritent au prix de l’effort et du dépassement de soi.
Ce baptême de plongée, c’était un premier pas, une première rencontre avec un univers encore plus fascinant que je ne l’imaginais.
Je savais qu’en descendant à une certaine profondeur, les plongeurs s’exposent à un syndrome d’ivresse étrange. Ce que je ne savais pas, c’est qu’en mettant la tête sous l’eau, je n’aurais plus qu’une envie en remontant 😀 retourner dès que possible.
Toutes les bonnes choses ont une fin, on remonte ravies sur le bateau. C’était vraiment magnifique, et malgré une petite frayeur je suis très content de cette expérience!
Merci à mon le moniteur tout au long de ce récit. Pas seulement parce que j’ai « survécu », mais surtout parce que j’ai grave kiffé.
J recommande vivement ce club de plongée (Club Ras Adar): les moniteurs étaient très sympa et patients, le spot est magique et nous étions en petit comité, c’était vraiment parfait
Tout le remerciement à ma famille Tunisia randonnée sans eux l’expérience ne sera pas agréable.
Je vous laisse avec ces photos magnifiques 🙂 . C’est à refaire absolument !